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Article #5 : L'écologie politique et le municipalisme

  • Photo du rédacteur: Héloïse Toussaint
    Héloïse Toussaint
  • 10 févr. 2021
  • 9 min de lecture

Dernière mise à jour : 17 mai 2021

Bonjour à tous !


Aujourd’hui nous ouvrons le thème de l’écologie politique. Quoi de mieux pour initier ce thème qu’avec l’annonce du tribunal administratif de Paris qui a décidé de condamner l’État pour inaction climatique il y a tout juste une semaine.


Cette décision historique a été saluée par les ONG qui ont poursuivi l’État en justice, notamment Notre Affaire à Tous qui a lancé l’initiative L’Affaire du siècle avec l’aide d’Oxfam, de la Fondation Nicolas Hulot ainsi que Greenpeace. Cette condamnation est justifiée par l’échec des institutions françaises à réduire leurs émissions de GES (gaz à effets de serre) comme elles s’y étaient engagées. Bien que le préjudice écologique n’ait été considéré, ce jugement constitue tout de même une avancée majeure dans le droit français.


"Ce jugement marque aussi une victoire de la vérité : jusqu’ici, l’État niait l’insuffisance de ses politiques climatiques, en dépit de l’accumulation de preuves : dépassement systématique des plafonds carbone, rapports du Haut Conseil pour le Climat, etc." ajoute le collectif l’Affaire du siècle.


Face à cette inaction de l’État pour lutter contre le réchauffement climatique et la préservation de l’environnement, j’ai décidé de vous parler d’un ouvrage que j’ai lu dans le cadre de mon séminaire de master Concertation et Territoires en Transition. Il s’agit du livre Ces maires qui changent tout : le génie créatif des communes de Mathieu Rivat.



Issu des Grandes Écoles telles que l’EDHEC et Sciences Po Paris, Mathieu Rivat se dirige rapidement vers les modèles participatifs et tournés vers l’écologie. En effet, travaillant dans une SCOP, société coopérative et participative, il y conseille les comités d’entreprise mais participe également à la rédaction de fictions sur les enjeux écologiques au travers des éditions de l’Échiquier en tant qu’auteur mais également directeur de collection. Ces ouvrages se positionnent autour du questionnement de notre rapport à l’environnement.



C’est dans cette optique qu’à la demande de la maison d’édition Actes Sud, Mathieu Rivat a effectué différents séjours dans six communes de France afin d’étudier de nouvelles pratiques en matières écologique, sociale et démocratique. Ces six communes de différentes tailles présentent en effet des initiatives alternatives visant à répondre à l’enjeu climatique et l’application de la transition écologique sur le territoire municipal. Sans pour autant effectuer un travail académique, Mathieu Rivat effectue une étude et une mise en récit de ces initiatives afin de confronter ses observations effectuées dans chaque lieu et d’en déceler un fil conducteur ou bien à l’inverse des différences notables. Son ouvrage vise ainsi à questionner le rôle de l’échelon municipal dans la mise en application de la transition dans nos territoires.

L’opposition du local et du global est en effet souvent reprise dans les débats autour des solutions de lutte contre les effets du changement climatique et des pollutions diverses. Face à la globalité des enjeux environnementaux, comment l’échelle locale peut-elle s’imposer ? La prédominance des États-Nations et le phénomène de centralisation n’ont qu’invisibiliser les possibilités d’action du territoire local. Pourtant, depuis plusieurs décennies et plus particulièrement dans les dernières années, l’échelle locale connaît un retour en grâce dans la conception du territoire. Elle offre, en effet, à la population un cadre d’action et de réappropriation de ces enjeux majeurs que sont : la production énergétique, la production agricole et l’autonomie alimentaire ainsi que la relocalisation de l’économie.


Face à l’inertie des États à s’engager profondément et la défiance toujours plus croissante des citoyens envers leurs représentants politiques, le municipalisme renait. Visant la réappropriation collective des institutions locales par les habitants, le municipalisme libertaire va plus loin qu’une démocratie simplement participative, il veille à instaurer le maximum de démocratie directe afin de co-construire les décisions prises par l’institution municipale. Introduit par le philosophe Murray Bookchin, ce mouvement vise à une profonde transformation du système politique effectuée du bas vers le haut. Les communes remplaceraient effectivement l’État-nation. Il est ainsi souvent assimilé au concept d’écologie sociale, puisqu’il veille avant tout à réduire les inégalités sociales qu’il juge responsables des problèmes environnementaux en raison d’un rapport de l’Homme à la nature rompu. Ainsi, l’idée de domination de la nature découlerait elle-même de la domination d’un individu sur un autre. Dès lors, le rôle de l’ouvrage de Mathieu Rivat est de questionner le renouveau timide de ce mouvement et la capacité de l’échelon municipal dans les transformations écologiques et socio-démocratiques d’aujourd’hui.


Mathieu Rivat est donc parti explorer six communes françaises qu’il a réparti selon les échelles :

- L’étude en milieu rural : Puy-Saint-André et Trémargat

- L’étude en milieu péri-urbain : Ungersheim et Loos-en-Gohelle

- L’étude en milieu métropolitain Grenoble et Paris :


  1. L'échelle rurale

Concernant Puy-Saint-André et Trémargat, l’étude en milieu rural permet de visualiser le rôle clef de la mairie dans l’appropriation par les néo-ruraux de projets socio-écologiques. Bien que l’on note des différences d’usage entre les deux communes, Trémargat donnant moins d’importance à la mairie en tant qu’espace de pouvoir politique, celles-ci partagent la volonté d’user de la démocratie directe comme alternative au mode de gouvernance politique classique qui voudrait que le maire gouverne de lui-même avec son équipe.



Pour Puy-Saint-André, c’est ainsi au travers de la création d’une société d’économie mixte associant commune et habitants, qu’ils ont baptisée SEVE (Soleil Eau Vent Energie), qu’ils ont pu re-municipaliser la production d’énergie. Grâce à cette structure d’investissement public en faveur des énergies renouvelables, Puy- Saint-André a fait le choix d’une énergie publique, locale, citoyenne et renouvelable. Aussi, grâce à l’essaimage effectué dans les communes voisines, la SEVE a obtenu plus de fonds permettant de développer plusieurs centrales photovoltaïques. Celles-ci produisent suffisamment pour les foyers du village. Le surplus d’énergie produite est ensuite revendu de façon à financer la sobriété écologique.




Pour Trémargat, village breton, le choix a été de pousser plus loin la participation des

habitants au travers de la construction du village en elle-même mais aussi dans divers projets : bar associatif, épicerie participative. Le modèle entier du village repose sur un modèle participatif. L’importance de l’engagement des habitants est donc maximale, la commune reposant sur une large base de collectif. Contrairement à Puy-Saint- André, Trémargat, composé majoritairement de néo-ruraux, a fait le choix de l’agriculture à échelle humaine pour se réapproprier la prise de décisions. Pour pouvoir acheter de nouvelles parcelles foncières, les habitants ont constitué une SCI, une société civile immobilière, de façon à constituer un patrimoine commun et se permettre ainsi de peser face aux fermes industrielles, très présentes en Bretagne. Cette SCI est reconnue comme interlocuteur par les institutions territoriales locales comme la SAFER, société d’aménagement foncier et d’établissement rural, qui supporte leurs projets d’installation rurale.


2. L'échelle Peri-urbaine


Pour les zones peri-urbaines, elles sont définies telles que les communes qui ne touchent pas le pôle urbain mais dont elles dépendent économiquement. En effet, 40% de leur population au moins travaillent dans ce centre. Elles témoignent d’une forte standardisation accompagnée d’une absence d’histoire, de patrimoine ce qui par conséquent engendre un manque de sentiment d’appartenance à une communauté. Le statut de citoyen en est directement touché par le peu d’espaces publics, le tout-voiture, pas de rencontre. Ce système architectural de lotissements péri-urbains empêche donc fortement tout regroupement et cet essaimage d’action collective. Les exemples d’Ungersheim et Loos-en-Gohelle se dressent en défenseurs de ces liens entre habitants dans le statut de périphérie.




Ungersheim témoigne d’un fort patrimoine industriel dû aux mines de potasse, fermées en 2003. Au lieu de tout supprimer, le maire a préféré célébré ce passé ouvrier et y définir la politique de transition de la commune au travers d’une action collective permettant de célébrer cette culture héritée. En travaillant avec un réseau de PME et de PMI, la plupart des ouvriers et des locaux ont pu être ré-exploités afin d’éviter une explosion du taux de chômage dans la ville. A l’instar de Puy-Saint-André, Ungersheim a fait le pari de l’autonomie énergétique à travers la construction d’une centrale photovoltaïque, parmi les plus grandes de France. Ces grands panneaux servent également de hangars, qui sont loués à des entreprises pour produire de l’énergie solaire et dans le même temps favoriser l’emploi. Cette source d’énergie produite permet ainsi de réinvestir dans la rénovation énergétique des bâtiments publics. Les efforts de la commune ont rapidement payé : depuis 2005 la commune a réduit de 600 tonnes ses

émissions de C02 et a réalisé 120 000 euros d’économies sur la facture d’énergie depuis 2005. Au-delà de l’autonomie énergétique, Ungersheim a également fait le pari d’une autonomie alimentaire. La mairie a effectivement racheté des parcelles agricoles à un céréalier dans le but d’y développer du maraîchage bio collaboratif avec les habitants.




Loos-en-Gohelle témoigne également d’un très grand passé minier au travers des anciennes cités ouvrières présentes sur tout le territoire de la commune. La commune a fait le choix de la réappropriation de son passé pour penser demain. Au travers de manifestations culturelles, le maire a décidé de célébrer cette identité minière afin de ne pas délaisser ses habitants dans la perte d’identité et de dignité. Le modèle participatif répond également à ce défi en permettant aux habitants de témoigner de leur expérience de vie dans la commune pour améliorer les projets. Le maire vise en effet à atteindre une « démocratie impliquante » à travers une réelle coproduction et non une simple consultation. Pour lutter contre l’étalement urbain, la mairie a fait le choix d’une ceinture verte permettant de relier les quartiers entre eux à base de mobilité douce. Pour se financer, Loos-en-Gohelle a également fait le choix d’association d’éco-activités, de panneaux photovoltaïques et de la rénovation énergétique, en particulier dans les quartiers pauvres où la précarité énergétique est la plus forte et que les impayés d’énergie explosent. Depuis 1997, 146 logements éco-conçus ont été construits dans le but d’expérimenter d’autres pratiques de construction, plus respectueuses.



3. L'échelle urbaine


D’ici 2030, la population urbaine aura atteint 60% de la population globale. En conséquence, l’étalement des villes a atteint le rythme de 1,2 km2 gagnés par jour. Les conséquences de cette urbanisation n’a pas que des effets sur le territoire urbain en lui-même mais également à plus grande échelle en raison du besoin d’approvisionnement en ressources. Ce besoin engendre une destruction de biodiversité et déforestation, par la suite responsable d’une hausse des émissions de C02 pourtant déjà de plus en plus importantes au sein des villes. La course à l’attractivité et la compétition entre métropoles ne fait qu’accroître leur développement en dépit des enjeux environnementaux.



Grenoble a fait le choix d’une équipe municipale issue d’une alliance de représentants politiques de gauche et une majorité de membres issus de l’associatif, organisation notamment inspirée du mouvement espagnol 15-M. Le concentré de l’action municipale grenobloise s’établit autour de la volonté de faire autrement, c’est-à-dire, redonner la capacité d’agir aux habitants. Pour cela, la mairie s’appuie sur des budgets participatifs, des conseils citoyens indépendants ainsi qu’un droit d’interpellation. Le but de ces initiatives est de développer une culture de participation chez les habitants et de les impliquer dans tous les champs de la politique municipale. Concernant le plan environnemental, Grenoble a fait le choix de réduire la place de la voiture dans la ville, notamment en centre-ville, tout en re- végétalisant les rues avec les habitants dans le but de recréer un espace public authentique, favorisant la rencontre. Ces mesures s’accompagnent d’une rénovation énergétique

notamment dans les quartiers pauvres, financée jusqu’à 90% par la mairie. Le succès de ces mesures s’explique par le vrai pouvoir de décision donné aux habitants et les résultats

concrets qui ont rapidement amélioré la qualité de vie des habitants, qui se sont par la suite engagés plus fortement. Cependant, l’exemple de Grenoble permet de mettre en lumière la

dépendance financière des métropoles à l’État. Grenoble a en effet dû effectuer des coupes

budgétaires à la suite d’une menace de mise sous tutelle par la préfecture en raison d’un

déficit trop important, qui aurait ainsi mis fin à l’approche participative.



Paris témoigne de l’ambiguïté de l’échelon métropolitain. Les métropoles sont en effet en première ligne pour affronter les enjeux environnementaux. Premières émettrices de GES, elles sont au cœur de questions majeures d’écologie telles que l’urbanisme, les énergies et la présence d’espaces verts et publics. Pourtant, les initiatives citoyennes de jardins et parc partagés ; Bois Dormoy, EcoBox, etc ., sont constamment menacées par les autorités publiques dans la couronne parisienne. Bien que parfois, les autorités ne souhaitent pas détruire les initiatives mais les rendre publiques, cela revient à détruire l’essence même de

celles-ci. En effet, l’identité collective ne peut survivre au caractère public, cela détruit la dynamique du collectif et sa gestion autonome. Contrairement à Grenoble, la ville de Paris cherche et peut porter un engagement plus global. En effet, à l’aide d’autres villes européennes comme Madrid notamment, Paris a mené un recours devant la Cour Européenne de Justice contre l’abaissement des seuils de pollutions des voitures en ville par la Commission Européenne. Ensembles, les grandes villes cherchent ainsi à peser internationalement face à l’inertie des États-nations à coopérer entre eux. Ces coalitions s’illustrent à travers le C40, groupement de 90 villes mondiales agissant pour le climat. Ces dernières représentent 600 millions de personnes, 25% du PIB mondial mais surtout 70% des GES mondiaux.


Ces différentes actions collectives nous démontrent la nécessité de lier les questions politiques et sociales avec les questions écologiques. En effet, celles-ci sont indissociables ; justice climatique, réappropriation de la prise de décisions par les citoyens face à un système représentatif à bout de souffle. Pour effectuer ces transitions, il nous faudra cependant entièrement repenser nos rapports sociaux mais surtout nos institutions politiques. Ces projets se construisent par ailleurs en contradiction avec la notion de développement durable, qui repose sur une croissance verte. L’urgence de la situation environnementale ne permet effectivement pas à l’innovation technologique de nous sauver de la catastrophe climatique qui se déroule sous nos yeux.


Ce livre m’a été extrêmement enrichissant tant sur le plan des connaissances énoncées, des exemples illustrés que sur la reprise en confiance face à la courbe du deuil et le sentiment de désespoir face à l’urgence climatique. C’est pourquoi je vous le recommande fortement pour vous familiariser avec des possibilités d’actions collectives motivantes !

 
 
 

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