Article #7 : La vulgarisation scientifique au service de l'écologie : Printemps silencieux
- Camille Saudrais
- 21 avr. 2021
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 mai 2021
Depuis le début du module-projet, nous vous avons principalement parlé de livres de fiction. Nous nous sommes beaucoup concentrés sur des questions telles que : comment les romans, bande-dessinées ect peuvent-ils sensibiliser à l’écologie ? comment les enjeux environnementaux sont-ils présentés dans les livres de fiction ?
Cependant, notre projet a pour ambition de traiter toutes les sortes de littérature, fiction comme non-fiction. Dans cet article, j’ai donc décidé de traiter le sujet des livres de vulgarisation scientifique qui visent à attirer l’attention du public sur des risques environnementaux. En effet, à Sciences Po, nous ne sommes pas des spécialistes des sciences dites dures, et nous n’avons pas forcément la capacité à comprendre des articles, livres destinées à des scientifiques. Pourtant, il nous est absolument nécessaire dans notre formation de comprendre les enjeux environnementaux actuels et futurs pour pouvoir participer à trouver et appliquer des solutions. Plus globalement, la majorité des personnes ne sont pas des scientifiques.
L’importance des livres de vulgarisation est donc énorme, ils peuvent avoir un impact très important et à long terme sur la connaissance des risques écologiques, des enjeux environnementaux par la population.
Pour cet article, j’ai choisi de lire Printemps silencieux, un livre de Rachel Carson. Publié en 1962, vendu à plus de 2 millions d’exemplaires, il est souvent mentionné dans les classements de meilleurs livres de non-fiction du XXe. Son impact a été énorme : il a permis une prise de conscience sur la dangerosité des pesticides, et a mené à terme à l’interdiction du DDT (l’un des pesticides les plus utilisés aux Etats-Unis après la Seconde Guerre Mondiale et celui que Carson dénonce le plus dans ce livre) en 1972 ainsi qu’à la création de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis en 1970.
Bien qu’il ait été publié il y a soixante ans, Printemps silencieux reste (ce qui est inquiétant) très actuel. Rachel Carson y explique, à l’aide de nombreux exemples et explications scientifiques vulgarisées, l’impact des pesticides sur la faune et sur l’humain. Un impact principalement négatif comme vous avez pu le deviner. Le livre est divisé en de nombreux chapitres thématiques, ce qui facilite grandement la lecture. Certains se concentrent sur l’impact sur les oiseaux, d’autres sur les poissons, sur les insectes ect.
A titre personnel, ayant des parents jardiniers amateurs, j’ai depuis mon enfance été sensibilisée contre l’usage de pesticides. Le reste de ma famille (mayennaise du côté paternel, maugeoise du côté maternel) qui avait une activité paysanne professionnelle/non-professionnelle mais nécessaire n’avait pas forcément les mêmes pratiques de non-utilisation de pesticides. Globalement, j’ai été élevée dans une vibe plutôt écolo.
Cependant, j’ai appris énormément dans Printemps silencieux. Comment l’utilisation des pesticides s’est-elle développée ? Quelles étaient les molécules phares à l’époque de la publication du livre ? Comment les pesticides étaient-ils utilisés ? Comment se répandent-ils dans la nature ? Quel est leur impact sur les différentes espèces ? Et de nombreuses autres questions que vous vous posez peut-être trouvent une réponse dans ce livre.
Honnêtement, même en étant déjà un peu sensibilisée, j’ai été choquée par la gravité des effets des pesticides et de l’importance énorme de leur diffusion. Par exemple, je connaissais vaguement le développement de résistance aux pesticides développée par les insectes, mais Carson explique cet enjeu de manière très détaillée, en prenant des exemples précis mais aussi en indiquant des tendances globalement.
Je n’avais aucune idée par contre, du processus d’accumulation. En effet, je pensais que les pesticides avaient plutôt tendance à se diluer dans la nature et étaient évacués des organismes vivants avec le temps, mais spoiler, absolument pas. Au contraire, de nombreuses molécules toxiques utilisées dans les pesticides ont la capacité de se stocker dans les graisses des humains comme de la faune et de s’y accumuler. C’est comme ça que de nombreux oiseaux ont été tués par les pesticides : leurs proies (vers par ex) n’avaient pas été tuées par les pesticides grâce à leur résistance, mais les avaient stockés. Quand les oiseaux se sont nourris de dizaines de vers par jour, ils ont ingéré tous les pesticides stockés par leurs proies et sont décédés en quelques jours. Le même phénomène se produit pour nous humains : les doses infimes de pesticides que nous ingérons ou respirons chaque jour ne suffisent pas à nous tuer, mais elles ont des effets dévastateurs à long terme.
Je pense que vous avez pu, avec ce paragraphe assez dramatique, comprendre les enjeux de la vulgarisation des risques environnementaux pour mieux lutter pour l’écologie. Mais cet article va se finir sur une touche plus optimiste : un intérêt de Printemps silencieux est que Rachel Carson ne se contente pas d’expliquer les problèmes liés aux pesticides. Elle donne aussi des solutions concrètes pour limiter leur utilisation au strict minimum. Le recours aux pesticides n’est pas une fatalité, d’autres voies sont possibles, elles sont même souvent moins coûteuses et plus efficaces.
L’introduction de prédateurs des insectes dont nous avons besoin de réguler la population est l’une des solutions les plus prometteuses. Lâcher des insectes stériles en masse pour empêcher la reproduire en est une autre.
Enfin, il est primordial de comprendre pourquoi les insectes sont un problème aussi grave aujourd’hui. Ils mangent les récoltes, tuent des arbres, portent des maladies, en effet. Mais ils ont toujours existé et n’ont pas été créés par magie au XXe siècle.
Ce sont les humains qui ont créé, comme d’habitude, leurs propres problèmes. D’abord avec le commerce internationaux, les insectes ont pu voyager et s’implanter dans des régions où ils ne sont pas endémiques, donc des régions où ils n’ont pas forcément de prédateurs. Ensuite, la mono-culture permet aux insectes, aux maladies de se développer extrêmement facilement. Prenons par exemple la graphiose de l’orme dont Rachel Carson parle dans son livre. Cette maladie fongique est transmise entre les ormes par des insectes-vecteurs (dans ce cas, les grands scolytes de l’orme) ou par contact des racines. Pour limiter la propagation, les états-uniens ont essayé de tuer les scolytes au moyen de pesticides, ce qui n’a pas marché. La présence d’ormes est donc en forte baisse aux États-Unis. Mais si le pays avait planté des espèces différentes d’arbres, en mélangeant les essences, plutôt que des planter des avenues entières d’orme, la situation aurait été bien différente et la maladie plus facile à contrôler.
La même logique s’applique aux cultures : si un insecte se nourrissant spécifiquement de blé est introduit dans une région qui produit principalement du blé par hectares, il va très facilement s’y reproduire et détruire toutes les cultures. En revanche, si les champs sont plus petits et les cultures très diversifiées, il aura un impact bien moins grave et aura plus de difficultés à se propager.
Pour conclure cet article, je suis encore plus persuadée de l’utilité des livres de vulgarisation scientifique écologiques depuis ma lecture de Printemps silencieux, bien que je n’ai jamais été très portée vers les sciences dures.
Si cet article vous a convaincu (ou pas), je vous invite à lire l’avis de Noémie sur "Être un arbre" également publié sur le blog.
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